Une révolution dans l’après trumpisme
- La démocrate Deb Haalan, qui défend les droits des peuples natifs aux USA, est nommée, à la demande de Joe Biden, à la tête de l’important département de l’Intérieur qui gère les réserves indiennes. Une révolution. Cette nomination la désigne première ministre amérindienne de l’histoire des USA[1], enrichissant l’histoire du matrimoine, dans les temps troublés du trumpisme.
- Debra Anne Haaland est une femme politique américaine, membre du Parti démocrate et élue du Nouveau-Mexique à la Chambre des représentants des Etats-Unis depuis 2019. En décembre 2020, Joe Biden la choisit pour être nommé à la tête du département de l’intérieur, ce qui ferait d’elle, la première personne d’origine amérindienne à occuper une telle responsabilité. Sa candidature fut soutenue par une pétition signée par quelque 120 tribus indiennes, des militants écologistes et des célébrités d’Hollywood dont la féministe Jane Fonda.
- Victoire des peuples autochtones
- Cette nomination historique est une victoire sans appel pour les peuples autochtones. Car le département de l’Intérieur gère les terres fédérales dans lesquelles s’inscrivent les Grands Parcs naturels mais aussi les Réserves indiennes des presque 600 tribus des Etats-Unis d’Amérique (5,2 millions de personne, presque 2% de la population des Etats-Unis). Il représente 2 050 000 km de terres fédérales, soit un cinquième des Etats-Unis d’Amérique, et 28 % de la production d’électricité nationale. Il s’occupe aussi de la préservation des ressources naturelles. Ainsi, cela sera la première fois qu’un Indien sera en capacité, au plus haut niveau de l’Etat, de défendre et gérer les intérêts des indiens d’Amérique du Nord et de leur territoire. Et qui plus est une femme, métis revendiquant ses origines d’appartenir, par sa mère, à la 35ème génération des Indiens Laguna.
- Victoire pour les femmes
- Cette victoire est symbolique à plus d’un titre. D’abord, pour les femmes amérindiennes qui représentent les premières victimes de tribus indiennes paupérisées par la politique gouvernementale américaine. Puis, pour les Indiens, bien sûr, dont elle revendique de protéger les droits, fidèle à ses racines maternelles. C’est dans un costume traditionnel qu’elle souhaita recevoir l’investiture en 2019 pour représenter le Nouveau Mexique.
- victoire pour les écologistes
- Pour les écologistes, dont les Indiens d’Amérique du Nord, de par leur connaissance et leur respect de la Nature, sont, de fait, devenus des acteurs essentiels. Symbole politique prenant à revers la volonté de Trump de favoriser les grandes puissances pétrolières, illustré par l’éprouvant conflit qui depuis 2016 oppose les Indiens à la construction du gigantesque pipeline de 1 886 km de la compagnie Energy Transfer traversant au mépris des traités, les réserves indiennes du Dakota du Nord et Sud, l’Illinois, et de l’Iowa et leur terres sacrées, suscitant la naissance du mouvement No DAP et la Génération Standing Rock, du nom de la réserve du Dakota du Nord. Celle-du théâtre de ce qui fut le plus grand combat écologiste des dernières années aux Etats-Unis auquel Deb Haaland apporta son soutien.
- Le président Obama, suspendit le projet, juste avant son départ de la présidence, mais l’une des premières décisions prises par D. Trump fut de donner son feu vert pour la poursuite des travaux. « L’administration Trump fut sans doute la présidence la plus hostile aux Amérindiens du dernier demi-siècle« , lit-on dans un article intitulé Ce que la nomination historique de Deb Haaland au poste de ministre de l’Intérieur signifie pour les peuples autochtones »sur le site Brookings.
- C’est peu dire que la nomination de Deeb Haaland change la donne et sonne comme un retentissant espoir. « La nomination de Deb Haaland[…] représente […] un moment historique qu’aucun d’entre nous n’oubliera jamais », soulignait dans L’Express, un conseiller amérindien du gouvernement de l’État du Nouveau-Me
- victoire pour le métissage
- Enfin Deb Haaland symbolise un modèle de métissage de la société multiculturelle américaine. Le métissage semble d’ailleurs être le fil rouge de sa
- D’abord un métissage biologique: Deb Haaland est née le 2 décembre 1960 d’une mère indienne et d’un père, un américain fils d’immigrés norvégiens. Mais les traits de Deborah, avec sa grande chevelure noire et son regard perçant ne laisse aucun doute sur ses ascendances indiennes.
- Son histoire familale porte un métissage culturel : son grand-père en 1890, fut envoyé en Pennsylvannie, dans une famille d’accueil, dans un programme d’intégration des Indiens. Sa grand-mère connut une histoire similaire. Son grand-père fut employé au titre d’une politique d' »assimilation culturelle à Winslows, une ville d’Arizona, état voisin du Nouveau Mexique, dans une compagnie ferroviaire qui asssura l’expansion économique de la ville. C’est là que naquit Deb Haaland comme sa mère, Mary Toya , qui, elle, naquit dans un wagon de marchandises. Celle-ci intégra la Navy et entama une carrière de fonctionnaire territoriale, sans pour autant oublier ses origines indiennes. Son père embrassa avec succès une carrière militaire. Ce marine, qui fit la guerre du Vietnam, repose dans le cimetière militaire d’Arlington, en Virginie.
- Métissage de valeurs entre la préservation des rites ancestraux et la défense des US. Et métissage de lieux. Si la jeune indienne fréquenta treize écoles dans différents états, pour suivre la carrière de son père, elle revint chaque année, dans son village de son enfance, à 70 km d’Albuquerque « Je ne me suis jamais sentie aussi indienne que lorsque nous vivions à 2 500 kilomètres d’ici. Et chaque été, je revenais chasser le lapin au lance-pierre avec mes cousins dans les collines de Laguna. Mes meilleurs souvenirs d’enfance, avec les danses pendant les cérémonies religieuses. »
- Histoire de la tribu de Deb Haaland
- Ses racines maternelles la rattachent à la tribu des Lagunas pueblos répartis dans dix-neuf pueblos, villages et territoires administrés de manière autonome, lieu de vie choisi par ceux des Lagunas, Navajos et autres Zunis (environ 6 000 personnes au total) se détournant des centres urbains d’Albuquerque ou de Santa Fe. Les Lagunas (littéralement petits lacs) pueblos (pueblos = village.peuple)i désignent les Indiens dont le mode de vie est sédentaire contrairement aux Indiens nomades. Les premiers Lagunas Pueblos se seraient établis dans les plaines désertiques du Nouveau-Mexique au cours du XIIe siècle. Ils vivaient d’agriculture et d’artisanat. Des vestiges néolitiques témoignent d’une histoire des Etats-Unis bien plus lointaine encore.Ce village fut christianisé par des missionnaires espagnols en 1699, comme en témoigne l’église saint-Joseph, plantée au milieu du village. Deb Haaland est de religion catholique. On pourrait donc parler pour elle de Métissage spirituel.
- Histoire personnelle de Deb Haaland
Après avoir obtenu son diplôme de l’école secondaire Highland, Deb Haaland travaille dans une boulangerie locale. À 28 ans, elle s’inscrit à l’Université du Nouveau-Mexique, où elle obtient, en 1994 son Bachelor of Arts in English. Quatre jours après avoir obtenu son diplôme, elle donna naissance à sa fille, Somáh, qu’elle élève seule. Elle crée alors Pueblo Salsa une entreprise de conserves de sauce. Mais sa vie prend une triste tournure. Soucis personnels, problèmes financiers et alcool détériorent sa vie. Elle doit demander de l’aide à ses amis pour se loger, et fait appel à l’aide alimentaire. Des années noires que sa force de caractère lui permet de surpasser notamment l’alcool, ce fléau qui ravage les tribus indiennes depuis plus d’un siècle : « Je peux dire fièrement que je suis sobre depuis trente ans. », témoigne-t-elle. Elle décide de reprendre ses études à 35 ans avec un emprunt qu’elle précise continuer de rembourser en 2018. Elle obtient son doctorat en droit indien de la Faculté de droit de l’Université du Nouveau-Mexique en 2006. En 2012, alors que son engagement politique était confirmée, elle faisait encore appel à l’aide alimentaire.
Histoire politique
C’est en 2004, durant la campagne présidentielle de John Kerry, candidat malheureux face à GW Bush, que Deb Haaland s’engage dans la politique, dans le camp des démocrates. » Je suis devenue experte en ‘canvassing’, l’art du porte-à-porte, du contact individuel. »
- En 2008 la victoire change de camp. Barak Obama l’emporte. En 2012, elle s’occupe de sensibiliser les Amérindiens dans la campagne de réélection présidentielle d’Obama. Vient le temps d’une certaine reconnaissance. En 2012, le président l’invite à la Maison-Blanche. «Ses filles étaient là, la mienne aussi. Elle avait 18 ans, et chez nous à Albuquerque, nous vivions dans une minuscule maison et recevions l’aide alimentaire,. En sortant de ces deux heures avec les Obama, j’ai dit à ma fille : tu vois, nous sommes peut-être tout en bas de l’échelle sociale, mais nous venons de rencontrer le président des Etats-Unis d’Amérique. Pour lui non plus, rien n’était écrit. Et pourtant, il l’a fait…»
- De 2012 à 2013, elle préside le Democratic Party of New Mexico Native American Caucus. Puis le conseil d’administration de Laguna Development Corporation supervisant les activités commerciales de cette deuxième plus grande entreprise tribale de jeux du Nouveau-Mexique. Elle défend avec succès la création de pratiques commerciales respectueuses de la terre. Enfin, elle administre la tribu de San Felipe Pueblo de janvier 2013 à novembre 2015.
- Une politique différente des autres
- En avril 2015, sa capacité de convaincre la place à la tête du parti démocrate pour le Nouveau Mexique, pour un mandat de deux ans. Au cours de son mandat, les Démocrates du Nouveau-Mexique reprennent le contrôle de la Chambre des représentants du Nouveau-Mexique et du bureau du secrétaire d’État du Nouveau-Mexique et elle recueille suffisamment d’argent pour rembourser sept années de dettes contractées sous les présidents précédents. En novembre 2016, la victoire de Trump submerge plusieurs Etats pressentis démocrates. Et Deb Haaland sauve l’Etat du Nouveau-Mexique ! Un succès qui la propulse. « J’ai obtenu l’investiture pour le premier district du Nouveau-Mexique en mai 2017, au sortir d’une primaire à six candidats, avec 41 % des voix sur mon nom, du jamais vu. »
- différente des autres politiques
- « Je suis une femme, et une femme de couleur ! Comme vous l’avez remarqué, c’est assez rare dans la classe politique américaine, et c’est pour cette raison que si vous m’envoyez à la Chambre des représentants à Washington, je ne serai jamais une élue comme les autres ! » dit-elle. Et le 6 novembre 2018 : Deb Haaland est la première femme amériendienne avec Sharice Davids à être élue au Congrès, pour représenter les peuples autochtones. Seuls dix hommes issus des 570 nations indiennes ont occupé des fonctions de sénateur ou de représentant à Washington depuis 1776. Actuellement, les républicains Tom Cole , de la tribu chicacha1, et le cheroke Markwayne Mullin, sont les deux seuls représentants des peuples natifs . « Deux hommes de droite ! Et aucune femme. Jamais ! Pourquoi ? Parce qu’on les a toujours découragées, disqualifiées d’office. A l’intérieur même de leur communauté » selon elle. Depuis un an, elle se bat contre la séparation des familles de réfugiés mexicains faisant un parallèle avec ce qui a été infligé aux peuples indiens.
- Deb Haaland est une pionnière suffisamment forte pour encourager les Indiens à se lancer dans la vie politique. Elle fait des émules dans la génération Standing Rock[2].
- Les candidatures indiennes se multiplient. Son programme se rapproche de celui de Bernie Sanders. Réduire les coûts des études, favoriser l’accès aux soins, et lutter contre le réchauffement climatique. « une évidence lorsqu’on a du sang amérindien et qu’on a appris à aller chercher l’eau au puits du village. » Son ambition est simple. « Je pense qu’il est temps que notre monde – pas seulement notre pays mais le monde entier – commence à écouter les peuples autochtones quand il s’agit de changement climatique et d’environnement « , avait lancé l’élue alors que son nom commençait à circuler pour ce poste de secrétariat d’été à l’intérieur.
- Une trajectoire hors normes
- Dans l’Amérique, prise dans la tourmente réactionnaire trumpiste, sa trajectoire « hors norme » en font une héroine des Succès story à l’américaine, telle une héroine des westerns de notre enfance, renversant les codes, et écrivant une nouvelle page de l’histoire des femmes amérindiennes et des Etats-Unis d’Amérique.
photo couleur : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Deb_Haaland,_official_portrait,_116th_Congress_(cropped).jpg
Franmarie Metzler, Public domain, via Wikimedia Commons
photo noir et blanc :
- Citations
« Mes ancêtres ont fait des sacrifices incroyables pour me permettre de garder mes coutumes et traditions. Je ne leur ferai pas défaut », a-t-elle réagi.
« La terre, l’eau, les financements du gouvernement. »
- « Ne serait-il pas grand temps que notre pays accepte enfin le caractère multiethnique et multiculturel de son identité ? »
- Sources
- https://debforcongress.com
- Philosophie Magazine (5.01.2020) – https://www.philomag.com/articles/deb-haaland-premiere-ministre-amerindienne
- Télérama (3.01.2020) https://www.telerama.fr/monde/femme,-amerindienne,-precaire-deb-haaland,-la-nouvelle-voix-forte-des-democrates-aux-etats-unis,n5870419.phphtml
- Le Monde https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/12/22/la-nomination-de-deb-haaland-au-cabinet-de-joe-biden-est-une-premiere-jamais-un-amerindien-n-avait-accede-a-une-fonction-ministerielle_6064178_3232.html
- L’Express: https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/excellente-negociatrice-incorruptible-qui-est-deb-haaland-ministre-ameridienne-de-biden_21417
- La Croix (12.2020) https://www.la-croix.com/Monde/Etats-Unis-Deb-Haaland-Amerindienne-linterieur-2020-12-19-1201131036
- L’Humanité (21.12.2020) ttps://www.humanite.fr/etats-unis-deb-haaland-premiere-amerindienne-ministre-697842
- Nouvel Obs (18.12.2020) ttps://www.nouvelobs.com/societe/20201218.AFP3593/deb-haaland-premiere-femme-amerindienne-en-route-vers-le-gouvernement-americain.html
- Ouest France https://www.ouest-france.fr/monde/etats-unis/etats-unis-deb-haaland-premiere-femme-amerindienne-en-route-vers-le-gouvernement-americain-7092121
- Terra Fémina https://www.terrafemina.com/article/deb-haaland-la-premiere-amerindienne-a-la-tete-d-un-ministere-aux-etats-unis_a356369/1
- Paris Matchhttps://www.youtube.com/watch?v=viBLTbdwjks https://amp.parismatch.com/Actu/International/Deb-Haaland-veut-etre-la-premiere-Amerindienne-elue-au-Congres-1585146
- Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Deb_Haaland
https://fr.news.yahoo.com/états-unis-deb-haaland-première-150021918.html
10 mars 2019
[1] Avant elle, seul un autre Amérindien a fait partie du gouvernement américain : Charles Curtis, vice-président de Herbert Hoover entre 1929 et 1933
[2] Aujourd’hui, un mouvement est lancé. Les amérindiens ne renoncent plus à faire valoir leur prérogatives, avec une centaine de candidats dont 52 femmes. (Le journal Indian Country Today),